Alors que la collecte textile atteint des niveaux inédits dans l’agglomération angevine, Apivet peine à écouler ses stocks et à maintenir ses recettes. L’association, pourtant équipée d’un nouveau centre de tri, doit désormais composer avec une crise du textile qui bouleverse son équilibre.

Les nouveaux locaux d’Apivet se situent à Verrières-en-Anjou. – © Angers.Villactu.fr
Créée en 1995 dans le quartier de Monplaisir à Angers, l’Association pour l’insertion par le vêtement (Apivet) traverse une période difficile pour son activité. Malgré l’ouverture d’un nouveau centre de tri à Verrières-en-Anjou de 2 000 m² et l’augmentation constante des dépôts de vêtements dans l’agglomération angevine, la structure doit désormais composer avec un marché mondial du textile profondément déstabilisé. Sa directrice, Stéphanie Ruau, décrit une association prise dans un « cercle vicieux » où volumes croissants et débouchés qui se referment se combinent.
Acteur reconnu du réemploi textile et de l’insertion professionnelle, Apivet compte 25 salariés, dont 19 en insertion, et gère deux boutiques à Angers. Elle collecte environ 1 500 tonnes de vêtements et linge de maison chaque année via près de 200 points d’apport. Mais depuis 2024, la situation s’est tendue.
Un marché du textile saturé
Jusqu’en juin 2025, le centre de tri était situé rue des Noyers à Angers, mais ces locaux ne suffisaient plus : « On n’avait plus assez de place pour assurer notre activité. En termes d’organisation c’était compliqué », explique Stéphanie Ruau. L’achat du nouveau bâtiment, signé au printemps 2024, paraissait alors aller de soi : « À ce moment-là, heureusement que nous avons déménagé, parce que l’on aurait été obligés d’arrêter l’activité », ajoute-t-elle.
L’investissement, évalué à deux millions d’euros, devait permettre d’augmenter les capacités de tri, de développer les ventes en boutique et de sécuriser les emplois en insertion. Mais depuis cet été, la crise internationale du textile a rattrapé l’association : « Au mois de juillet, l’écoulement des stocks était difficile. En octobre on a été complètement bloqués, plus rien ne partait », détaille la directrice.

Les ballots s’accumulent dans le centre de tri d’Apivet. – © Angers.Villactu.fr
Apivet trie en moyenne sept tonnes de vêtements par jour. 10 % des volumes partent directement en déchetterie en raison de leur état, ce qui représente environ deux tonnes hebdomadaires incinérées. Seuls 4 % peuvent être revendus dans les boutiques angevines. Le reste est destiné au réemploi ou au recyclage, mais ces débouchés sont de plus en plus difficiles à mobiliser.
« Les centres de tri ne veulent plus nous acheter nos stocks, parce qu’ils n’arrivent pas à s’y retrouver, la qualité n’est plus bonne », résume Stéphanie Ruau. Le phénomène tient à l’essor massif de textiles bon marché, souvent composés de matières mixtes impossibles à recycler. « On récupère des vêtements lavés cinq ou six fois qui sont complètement déformés. On ne peut plus rien en tirer », constate-t-elle.
La concurrence chinoise modifie également en profondeur les marchés du réemploi. « La Chine s’est imposée et a réussi à créer un marché où le neuf est vendu au même prix que la seconde main européenne », explique la directrice. Les ballots qui étaient jusque-là facilement écoulés vers les partenaires internationaux ne trouvent plus preneur, en raison d’une baisse générale de la qualité des textiles collectés et de la concurrence accrue de l’ultra fast fashion.

Sur les 25 salariés que compte Apivet, 19 sont en insertion. – © Angers.Villactu.fr
« Dans deux ans, Apivet pourrait ne plus exister »
L’association conserve pourtant un rôle important dans l’insertion professionnelle locale. Ses salariés en parcours sont accompagnés durant deux ans, et 68 % d’entre eux accèdent ensuite à un emploi ou à une formation. Mais cette mission sociale repose sur un modèle économique fragilisé. « Aujourd’hui tout ce qui est collecte, tri et vente en gros volume ne nous rapporte plus rien. On perd même de l’argent », reconnaît la directrice.
Les financements publics demeurent essentiels, notamment l’aide de l’éco organisme Refashion, mais ils ne compensent plus entièrement la chute des recettes. Le Conseil communautaire d’Angers Loire métropole (ALM) a d’ailleurs voté il y a quelques semaines, un soutien exceptionnel pour l’association de 70 000 euros cette année, puis de 50 000 euros en 2026 et 2027, face à une situation jugée « préoccupante » par le président de l’agglomération, Christophe Béchu. De son côté, Stéphanie Ruau n’écarte pas des scénarios lourds si aucun changement n’intervient. « Si on ne met rien en place, dans deux ans, Apivet pourrait ne plus exister », affirme-t-elle.
Pour subsister, l’association ouvrira début décembre une boutique éphémère au sein de la Maison de l’Étang à Belle Beille. L’espace accueillera deux demi-journées de vente, le mercredi et le vendredi de 14 h à 18 h 30, tenues dans un premier temps par des bénévoles. L’objectif est d’aller au plus près des habitants et des étudiants du quartier, tout en testant un modèle de vente complémentaire susceptible d’être pérennisé : « Dans un premier temps, nous allons voir si cela plaît, et si ça fonctionne bien, on pourra peut-être se permettre de mettre un salarié et d’ouvrir d’autres jours dans la semaine », explique Stéphanie Ruau.

Stéphanie Ruau est la directrice d’Apivet 49. – © Angers.Villactu.fr
Une tendance à la surconsommation
Au-delà des enjeux industriels et économiques, Apivet pointe aussi le changement des modes de consommation : « Les armoires débordent. Les gens arrivent avec une voiture et une remorque derrière, toutes deux pleines de vêtements », observe la directrice. La surconsommation textile et l’essor des plateformes d’ultra fast fashion contribuent à une accumulation de vêtements peu durables, difficile à absorber pour les structures de réemploi.
Pour agir, Stéphanie Ruau plaide pour une prise de conscience individuelle. « Peut-être acheter moins et une meilleure qualité, pour que ça dure plus longtemps », dit-elle, tout en rappelant que la seconde main constitue une alternative accessible.
Entre mission sociale, pression économique et crise du textile, Apivet se trouve à un moment charnière. Le nouveau centre de tri lui offre de l’espace pour tenir, mais pour la directrice les solutions devront aussi venir du territoire et des consommateurs : « C’est aux gens de se dire ‘j’achète moins’, faute de quoi, l’association pourrait se retrouver au point mort », résume-t-elle.
Par Eline Vion.
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