À l’occasion d’Octobre rose, le docteur Baptiste Sauterey fait le point sur le dépistage, la prévention et les avancées dans la lutte contre le cancer du sein.

Rencontre avec le docteur Baptiste Sauterey, gynécologue et sexologue à l’ICO d’Angers. – © Angers.Villactu.fr
Dans le cadre d’Octobre rose, la campagne annuelle de sensibilisation au dépistage du cancer du sein, le docteur Baptiste Sauterey revient sur les progrès réalisés, les enjeux de prévention et les perspectives de la recherche. Gynécologue et sexologue à l’Institut de Cancérologie de l’Ouest (ICO) d’Angers depuis 2010, il travaille également au sein du département prévention de l’établissement.
Quelle est la situation actuelle du cancer du sein en France ?
Dr Baptiste Sauterey : « Le cancer du sein reste le cancer le plus fréquent chez la femme avec chaque année, entre 59 000 et 61 000 nouveaux cas qui sont diagnostiqués. En revanche, la mortalité diminue progressivement, grâce aux avancées des traitements et au dépistage précoce. L’âge moyen au moment du diagnostic est d’environ 64 ans, et on estime qu’une femme sur huit développera un cancer du sein au cours de sa vie. »
Quels sont les principaux facteurs de risque que vous observez chez vos patientes ?
Parmi les facteurs de risque, on retrouve souvent le surpoids, la sédentarité, la consommation d’alcool et de tabac, ainsi que certaines habitudes alimentaires. L’alcool, notamment, augmente le risque de plusieurs cancers, dont celui du sein. En France, les recommandations de santé publique conseillent de ne pas dépasser deux verres par jour et de ne pas boire tous les jours. Mais il faut rappeler qu’aucun niveau de consommation d’alcool n’est considéré comme totalement sûr vis-à-vis du risque de cancer.
Les facteurs hormonaux jouent également un rôle : une ménopause tardive, un traitement hormonal substitutif prolongé ou l’absence de grossesse et d’allaitement peuvent augmenter le risque. L’allaitement, même s’il n’a qu’un effet protecteur modéré, contribue à réduire ce risque.
La génétique joue-t-elle un rôle majeur ?
Une minorité des cancers du sein est d’origine héréditaire, entre 5 et 10 % environ. Ils sont liés à des mutations génétiques, le plus souvent sur les gènes BRCA1 et BRCA2, mais aussi sur d’autres gènes plus rares comme PALB2, TP53 ou RAD51. Ces gènes participent à la réparation de l’ADN : quand ce mécanisme est défaillant, les cellules peuvent accumuler des anomalies et devenir cancéreuses.
Cependant, dans la grande majorité des cas, le cancer du sein est lié à des facteurs environnementaux et comportementaux, plutôt qu’à la génétique. Les femmes porteuses d’une mutation BRCA ont un risque beaucoup plus élevé de développer la maladie, entre 40 et 80 % au cours de leur vie selon les études. Mais cela ne signifie pas que toutes développeront un cancer.
Quels signes doivent alerter les femmes ?
Toute anomalie doit conduire à une consultation comme une masse palpable, un changement de la peau ou de la forme du sein, une rétraction ou un écoulement du mamelon, ainsi qu’une rougeur persistante. Il ne faut pas attendre le prochain dépistage organisé. En cas de doute, il faut consulter rapidement un médecin, une sage-femme ou un gynécologue.
Quels sont les bénéfices du dépistage organisé entre 50 et 74 ans ?
Le programme de dépistage organisé, qui propose une mammographie tous les deux ans aux femmes de 50 à 74 ans sans facteur de risque particulier, permet de détecter les cancers à un stade précoce. Cela améliore le pronostic et rend souvent les traitements moins lourds. Les études montrent une réduction du risque de mortalité spécifique liée à ces programmes, surtout dans cette tranche d’âge, même si les bénéfices doivent être mis en balance avec les risques de surdiagnostic et de faux positifs.
Les technologies de dépistage ont-elles évolué ?
Oui, la mammographie numérique est aujourd’hui la norme. Les logiciels d’amélioration d’image et les contrôles qualité permettent de réduire l’exposition aux rayons. Des essais, comme l’étude MyPeBS, explorent désormais des stratégies de dépistage plus personnalisées, adaptées au profil de risque de chaque femme. D’autres pistes, comme la recherche d’ADN tumoral circulant dans le sang, sont prometteuses mais encore expérimentales.
Quelles sont les dernières avancées thérapeutiques ?
Les traitements sont de plus en plus adaptés au profil de chaque patiente, grâce aux classifications moléculaires et à l’analyse de biomarqueurs. Les thérapies ciblées, comme les anti-HER2 ou les inhibiteurs de CDK4/6, ont transformé la prise en charge de certains sous-types de cancer.
L’immunothérapie progresse également dans des indications spécifiques. Ces approches permettent de mieux contrôler les formes avancées et de réduire le risque de récidive. L’objectif est d’améliorer à la fois la survie et la qualité de vie, y compris pour les cancers métastatiques, désormais mieux pris en charge.
Peut-on éviter totalement le cancer du sein ?
Non, pas totalement. L’âge et certains mécanismes biologiques sont inévitables. En revanche, une part importante des cancers peut être évitée grâce à la prévention : arrêter de fumer, limiter l’alcool, pratiquer une activité physique régulière, surveiller son poids, adopter une alimentation équilibrée, se faire vacciner contre le papillomavirus, ou encore limiter certaines expositions professionnelles.
Les estimations varient, mais on considère qu’entre 30 et 50 % des cancers pourraient être évités grâce à ces actions. Dire que 40 % des cancers sont évitables est donc une estimation réaliste, même si cela concerne l’ensemble des cancers, pas seulement celui du sein.
Quelles différences existe-t-il entre une prise en charge précoce et tardive ?
Un diagnostic précoce permet souvent des traitements plus légers, parfois sans chimiothérapie, et augmente les chances de guérison. À l’inverse, un diagnostic tardif expose à un risque plus élevé de métastases et à des traitements prolongés. Dans ce cas, la maladie peut devenir chronique et nécessiter un suivi au long cours.
La recherche actuelle est-elle porteuse d’espoir ?
Oui, clairement. Nous allons vers une médecine de plus en plus personnalisée, qui croise les données génétiques, l’imagerie et les habitudes de vie pour adapter la prévention et le dépistage. Des essais internationaux étudient déjà ces approches. Les progrès en immunothérapie et en thérapies ciblées ouvrent de réelles perspectives, même si toutes les patientes n’en bénéficient pas encore.
Que représente pour vous Octobre rose ?
C’est un moment essentiel pour informer, sensibiliser et lever les tabous. Cela permet de renforcer le dialogue entre les soignants, les patientes et le grand public, tout en rappelant l’importance de la prévention et du dépistage. À l’Institut de Cancérologie de l’Ouest, nous organisons des tables rondes réunissant soignants, anciennes patientes et citoyens pour échanger sur la prévention et l’accompagnement. Octobre rose, c’est aussi cela : un temps collectif pour mieux comprendre et mieux agir.
Propos recueillis par Eline Vion.
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