Un collectif regroupant des livreurs à vélo a vu le jour le mois dernier avec l’aide de la CFDT. L’objectif est d’avoir une meilleure reconnaissance des plateformes avec lesquelles ils travaillent et d’améliorer leurs conditions de travail dans la ville.
Depuis quelques années, les plateformes de livraison de repas à domicile se sont multipliées à Angers. Après la startup angevine Frères Toque, les mastodontes américains et britanniques Uber Eats, Deliveroo et Just Eat ont progressivement pris une place de plus en plus importante. Combien de livreurs travaillent pour ces plateformes sur Angers ? Difficile à dire pour Antoine Lelarge, secrétaire départemental de la CFDT, à l’initiative d’Uliv (Union des livreurs indépendants à vélo) : « Les entreprises ne donnent aucun chiffre. Certains ne restent que peu de temps livreurs. On estime toutefois qu’entre 100 et 200 livreurs travaillent sur Angers. »
Pour aider et accompagner ces livreurs, souvent isolés et impuissants face à ces grandes multinationales, la CFDT de Maine-et-Loire a créé le 13 novembre dernier l’Union des livreurs indépendants à vélo (Uliv). « La crise que nous vivons et le premier confinement nous ont incités à aller vers un public parfois éloigné du syndicalisme. Il y a de nouvelles formes d’emploi aujourd’hui et nous devons accompagner ces travailleurs indépendants. On voit ces livreurs tous les jours dans la ville. Nous sommes allés à leur rencontre et ça a été fort avec beaucoup d’échanges et de nombreux problèmes remontés », ajoute Antoine Lelarge.
« Le client a forcément raison »
« Il peut nous arriver d’attendre 30 à 40 minutes à l’extérieur du restaurant. Ce temps n’est jamais payé par la plateforme. Avec la situation sanitaire, la plateforme nous a demandé de ne pas rentrer dans les immeubles. Parfois, les clients veulent être livrés dans les étages. Si on refuse, alors nous avons une mauvaise note. A chaque mauvaise note, notre classement descend jusqu’à ce que notre compte soit bloqué. Uber prend en compte uniquement l’avis du client sans nous demander comment les choses se sont passées. Nous n’avons aucun contact », explique Presnel*.
Un autre livreur soulève un autre problème régulièrement rencontré : « L’autre jour j’ai livré une cliente. Elle a ensuite signalé à la plateforme que la commande n’a pas été livrée. Ce qui était faux ! Le client a forcément raison et mon compte a été bloqué sans que je puisse m’expliquer. La plateforme s’en fiche de nous et ne nous fait pas confiance ».
Le prix des courses qui varie est également reproché aux plateformes. « Récemment j’ai fait une livraison du centre-ville à la Roseraie. La plateforme affichait 7 euros pour la livraison. Une fois la commande livrée, je n’ai finalement eu que 6 euros, sans aucune raison. Nous n’avons pas la possibilité d’avoir d’échanges avec la plateforme », poursuit Abdel*.
Des échanges avec la ville
A ce jour, 23 livreurs ont rejoint le collectif qui a été reçu par la municipalité le vendredi 27 novembre dernier. « Nous avons pu faire remonter des problématiques plus locales qui ne sont pas liées aux plateformes », indique Antoine Lelarge, coordinateur d’Uliv. Avec le froid et le mauvais temps, le collectif pousse pour que des abris puissent être installés. Ces lieux pourraient également permettre de recharger les batteries des téléphones, qui se déchargent très vite avec un téléphone utilisé en permanence. « Aux heures d’affluence, il y a parfois des tensions avec les restaurateurs, car beaucoup de livreurs attendent devant. Cela pose des questions de partage de l’espace public avec les passants et les clients. Il y a des fois un peu de friction avec la police municipale qui leur demande d’aller se garer sur l’espace vélo à 100 mètres du restaurant. Le problème, c’est qu’avec l’évaluation permanente des clients et de la plateforme sur leur temps de trajet, ils peuvent voir leur note baisser et donc le compte être bloqué », se désole Antoine Lelarge.
Si les discussions se poursuivent avec la ville, une rencontre est prévue avec l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (UMIH) la semaine prochaine pour mettre en place une charte de respect mutuel. « Il ne faut pas oublier que pendant cette période, l’activité des restaurants est possible notamment grâce aux livreurs de ces plateformes. Ce sont eux qui prennent les risques sanitaires », rappelle Antoine Lelarge.
Un accompagnement global
L’Union des livreurs indépendants à vélo a également pour vocation d’accompagner et d’informer les livreurs sur des questions aussi diverses que le statut juridique, les droits, la mutuelle et l’insertion professionnelle. « Avec les statuts d’auto-entrepreneur et de travail indépendant, il y a des problèmes d’accès au crédit bancaire. Nous travaillons avec un partenaire bancaire pour que les livreurs puissent avoir accès plus facilement à un crédit. Nous sommes également en train d’avancer sur une offre adaptée avec une mutuelle. Enfin, nous les accompagnons sur les questions de formations et d’orientations professionnelles pour leur permettre de sortir de la précarité », détaille Antoine Lelarge.
Un rassemblement vendredi place du Ralliement
Ce mercredi 2 décembre, une partie des membres du collectif rencontrait des représentants d’Uber Eats. Pour porter haut et fort leurs revendications, les livreurs indépendants à vélo, soutenus par ULIV-Angers, la CFDT Maine-et-Loire et Union-indépendants, appellent à une grève des coursiers et à un rassemblement le vendredi 4 décembre à 17h place du Ralliement à Angers.
*Les prénoms ont été modifiés