« Un cataclysme » : les radios associatives locales menacées de disparition ?
Société

« Un cataclysme » : les radios associatives locales menacées de disparition ?

Alors que le gouvernement prévoit de réduire de 44 % le Fonds de soutien à l’expression radiophonique (FSER) dans son projet de loi de finances 2026, les radios associatives locales redoutent « une véritable hécatombe ». À Angers, Radio G et Radio Campus tirent la sonnette d’alarme.

Si la baisse de 44 % du FSER était actée, près de 350 radios associatives pourraient disparaître sur les 770 présentes en France. – © Angers.Villactu.fr

C’est une annonce qui a l’effet d’un séisme pour les radios associatives locales. Dans son projet de loi de finances pour le budget 2026, le gouvernement prévoit une réduction de 44 % du Fonds de soutien à l’expression radiophonique (FSER). Créé en 1983, ce dispositif finance les radios associatives locales à but non lucratif, reconnues pour leur mission de communication sociale de proximité. Si cette baisse est actée, le montant global du fonds passerait ainsi de 35 millions d’euros en 2025 à 19 millions en 2026.

Au total, le FSER soutient plus de 770 radios locales en France, animées par des bénévoles, mais aussi par près de 3 000 salariés. Pour de nombreuses radios, la coupe envisagée représente une menace existentielle : « On parle d’un coup fatal, résume Guy Dugrais, administrateur chez Radio G et délégué régional du Syndicat national des radios libres (SNRL). Passer de 35 à 19 millions d’euros, c’est condamner la moitié des radios associatives à fermer. »

Des budgets déjà fragilisés

Les radios associatives tirent une large part de leurs revenus du FSER. À Radio Campus Angers, la subvention nationale représente « presque la moitié du budget annuel », précise Patrick Haour, son président. Le budget global de la station s’élève à environ 130 000 euros. « Le FSER, c’est entre 50 000 et 60 000 euros. Sans ça, on ne peut pas vivre. Ce sont des montants dérisoires à l’échelle de l’État, mais vitaux pour nous. »

La situation n’est guère différente pour Radio G dont le budget atteint environ 120 000 euros et qui compte trois salariés, ainsi que trois services civiques. « On a déjà perdu 11 000 euros de subventions régionales l’an dernier, ce qui équivaut à un poste salarié, souligne Guy Dugrais. Cette fois-ci, on nous annonce une coupe de près de 25 000 euros, on ne peut se permettre de perdre encore quelqu’un »

Selon les syndicats du secteur, la moitié des radios associatives sont menacées de disparaître en cas de baisse du FSER, soit environ 350 structures sur 770. « Jusqu’à 80 % des emplois du secteur seraient touchés. Ce serait une hécatombe », insiste Guy Dugrais.

À Radio Campus Angers, les conséquences seraient immédiates : « On ne pourrait pas garder nos quatre salariés. Mais quel poste supprimer ? Chaque emploi est essentiel. C’est un cercle vicieux, car si on se sépare d’un salarié, c’est une rentrée d’argent en moins et ça aggrave encore le problème », explique Patrick Haour.

Pour ces structures, se tourner vers le privé apparaît comme une solution qui demeure néanmoins limitée : « On développe le mécénat, mais tout le monde fait la même chose, poursuit-il. Les entreprises sont très sollicitées, les collectivités ont moins d’argent. Le mécénat ne suffira jamais à compenser 50 000 euros de perte. »

« C’est la voix des citoyens que l’on réduit au silence »

Pour les responsables associatifs, le rôle de ces radios dépasse largement la simple diffusion musicale. « Notre vocation première, c’est de donner la parole à ceux qui ne l’ont pas », rappelle Guy Dugrais. Le SNRL, auquel appartient Radio G, est d’ailleurs agréé par l’Éducation nationale comme centre de formation éducation aux médias pour intervenir dans les collèges, lycées, grandes écoles et maisons de quartier sur la question du décryptage de l’information.

« On forme les jeunes à comprendre les médias et à distinguer les fake news, dans un contexte où les réseaux sociaux diffusent tout et n’importe quoi, poursuit-il. Si on supprime les radios associatives, on affaiblit directement la culture démocratique. »

Guy Dugrais est administrateur chez Radio G et délégué régional du Syndicat national des radios libres (SNRL). – © Angers.Villactu.fr

Patrick Haour abonde : « Par les temps qui courent, revenir aux bases, c’est-à-dire des médias faits par des gens du coin, parlant du territoire et du quotidien, c’est essentiel. Si ces radios disparaissent, tout ce qu’il restera, ce sont des contenus produits par des IA ou par de grands groupes privés tenus par des milliardaires. »

Pour Guy Dugrais, cette coupe budgétaire illustre également un désintérêt croissant de l’État pour les médias indépendants. « On nous parle d’austérité, mais aucun effort n’est demandé aux institutions ou aux élus. On coupe dans la culture, dans l’éducation, dans la démocratie locale. À la fin, c’est la voix des citoyens que l’on réduit au silence ».  Une inquiétude partagée par Patrick Haour : « Ce n’est pas avec une baisse du FSER qu’on comblera le déficit de la France. Ce fonds, à l’échelle de l’État, c’est une goutte d’eau. Mais supprimer ces subventions, c’est détruire un tissu d’initiatives locales et solidaires, un pan entier de l’économie sociale et solidaire. »

Radios et syndicats en alerte

Face aux annonces, les réseaux associatifs s’organisent. Le SNRL et la Confédération nationale des radios associatives (CNRA), unies sous la bannière « Les Locales », travaillent conjointement pour interpeller le gouvernement et les parlementaires, afin d’obtenir des amendements et de maintenir le financement du FSER au niveau actuel.

Des députés et instances politiques ont déjà été sollicités dans tout le pays, notamment dans les Pays de la Loire, où une trentaine de radios sont concernées par cette nouvelle coupe budgétaire. « Nous appelons les citoyens et les élus à se mobiliser, affirme l’administrateur de Radio G. Les radios associatives, à travers leurs antennes, portent la voix de milliers de citoyens. Elles méritent d’être entendues et respectées. »

Au-delà des chiffres, c’est la vision d’un service public de proximité que défendent ces radios : « Nous sommes des espaces d’expression, d’apprentissage et de lien social, conclut Patrick Haour. Si elles disparaissent, c’est une part du vivre-ensemble qui s’éteint. »

Pour Guy Dugrais, l’enjeu est clair : « La disparition des radios associatives serait une perte irréparable pour la démocratie locale. On ne parle pas seulement de sauver des emplois, mais de préserver la possibilité, pour chaque citoyen, d’être entendu. »

 

Par Eline Vion.

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