Et si l’avenir du logement passait par le collectif ? À Angers, des habitants conçoivent leurs logements ou leur quartier main dans la main, attirant celles et ceux qui cherchent à concilier écologie, solidarité et indépendance.

Le projet Les Echats sera livré à l’horizon 2026. – © Angers.Villactu.fr
À l’écart du modèle pavillonnaire classique, l’habitat participatif propose une autre manière de concevoir le logement et le vivre-ensemble. À Angers et ses alentours, de plus en plus d’habitants choisissent de construire autrement, à mi-chemin entre le logement privé et la vie collective, affirmant une autre manière de penser la ville et le lien social.
« L’habitat participatif, ce n’est pas une utopie ni une mode récente, souligne Élodie Desmis, membre de l’association HEP49 et coordinatrice de projets participatifs chez Échafauder. Cela existe depuis plusieurs décennies, mais aujourd’hui, de plus en plus de citoyens y voient une réponse concrète à leurs besoins, comme se loger à prix abordable, réduire leur empreinte écologique et rompre avec l’isolement ».
Penser l’habitat comme un projet commun
Aux Échats, à Beaucouzé, seize logements sont en construction entre ville et campagne. Les futurs habitants, comme Céline David et Sabine, participent à toutes les décisions, de la conception architecturale à la rédaction de la « raison d’être » du lieu. « On apprend à se connaître, à débattre, à faire ensemble, raconte Céline David. Ce n’est pas un achat comme un autre, c’est un engagement collectif. »
Ce travail de groupe s’appuie sur un accompagnement professionnel, comme l’entreprise Échafauder le propose. « Nous aidons les habitants à définir leurs valeurs, à se doter d’outils pour décider ensemble », précise Élodie Desmis, qui souligne également le rôle essentiel de cette phase préparatoire : « L’habitat participatif repose autant sur le projet de construction que sur le projet humain. »

Sabine et Céline emménageront d’ici la fin de l’année dans leurs logements. – © Angers.Villactu.fr
À quelques kilomètres de là, dans l’écoquartier Les Prés, cette dimension collective s’expérimente depuis plus de dix ans. Agnès Dima, l’une des premières habitantes, s’en souvient : « Nous avions commencé à réfléchir à un habitat écologique. Puis, assez naturellement, l’idée du collectif s’est imposée. Vivre écologiquement, c’est aussi mutualiser des espaces et des ressources. »
Florence Cadeau, voisine d’Agnès, ajoute : « Nous prenons toutes les décisions ensemble, en réunion. Parfois, cela prend du temps, mais ce temps fait partie du processus. »

L’Ecoquartier Les Prés est sorti de terre en 2013. – © Angers.Villactu.fr
Des équilibres à trouver
Dans ces projets, la question du lien humain est centrale. « On n’est pas en communauté, sourit Sabine, future habitante des Échats. Chacun est bien chez soi, mais on choisit de partager une partie de notre quotidien : un jardin, une salle commune, des outils, ou juste des moments. »
Mathieu Bodin, des Voisins d’Yvette, décrit la même réalité : « Ce n’est pas vivre les uns sur les autres, c’est vivre côte à côte, mais en se connaissant. Cela crée une forme de sécurité douce : on sait qu’on peut frapper à la porte si besoin. »

Florence Cadeau et Agnès Dima sont toutes les deux habitantes de l’Ecoquartier Les Prés. – © Angers.Villactu.fr
Pour autant, le vivre-ensemble se construit et s’apprend. Agnès Dima parle de « discussions parfois longues, mais toujours nécessaires ». Florence Cadeau, renchérit : « Il faut accepter la diversité. Nous ne partageons pas tous la même vision, mais nous essayons de décider par consensus, en tenant compte de chacun. »
Aux Échats aussi, les réunions régulières permettent d’aborder tous les sujets, du choix des matériaux à la gestion future des espaces communs. « On avance lentement, mais ensemble », résume Céline David.

Mathieu Bodin, Nelly Mainchin et Fanny Fleck sont tous voisins aux Voisins d’Yvette. – © Angers.Villactu.fr
Entre écologie et accessibilité
Au-delà du lien social, les habitants cherchent à concilier leurs valeurs écologiques et leurs moyens financiers. Tous les projets visités témoignent d’une attention particulière à l’environnement : orientation bioclimatique, matériaux biosourcés, récupération d’eau de pluie, performance énergétique.
Aux Échats, les bâtiments dépasseront de 30 % la norme RE2020. Le recours au Bail réel solidaire (BRS) rend l’achat accessible à un plus grand nombre, sans spéculation possible sur le foncier. « Cela permet à des ménages aux revenus moyens de devenir propriétaires, explique Élodie Desmis. C’est aussi une manière de garantir la pérennité du projet dans le temps. »
Dans l’écoquartier des Prés, cette préoccupation écologique est ancienne. Dès la conception, les habitants avaient imposé des choix techniques avec une isolation en fibre de bois, une architecture traversante, ou encore du chauffage collectif au bois. « On voulait prouver qu’un logement durable pouvait être pensé à l’échelle d’un groupe », raconte Agnès Dima.

Le projet Les Voisins d’Yvette a débuté en octobre 2019 et les logements ont été livrés début 2024. – © Angers.Villactu.fr
Un modèle porteur de sens
Pour les différents résidents, l’habitat participatif ne se résume pas qu’à un idéal de convivialité, mais suppose aussi un engagement fort avec des temps consacrés aux réunions, des décisions collectives, ainsi que des responsabilités partagées. « Cela demande de la patience, de l’écoute, et parfois de savoir renoncer à ses préférences personnelles », reconnaît Nelly Mainchin, des Voisins d’Yvette.
Mais pour beaucoup, l’expérience vaut l’effort. « On retrouve un peu l’esprit des villages d’autrefois, confie Sabine. Dans une société où les relations se distendent, cela fait du bien de recréer du lien. »
Élodie Desmis le constate : « À la base de tous ces projets, il y a des questions de fond. Comment habiter ensemble sans empiéter sur la liberté de l’autre ? Comment concilier les exigences écologiques, sociales et économiques ? » Pour elle, l’habitat participatif apporte des réponses concrètes à ces interrogations : « Ce n’est pas un mode de vie réservé à quelques convaincus. C’est une manière, à notre échelle, d’imaginer la ville autrement. »
Par Eline Vion.
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