Une cinquantaine d’agriculteurs se sont rassemblés à Angers pour dénoncer la stratégie sanitaire de l’État face à la dermatose nodulaire contagieuse. À l’appel de la Confédération paysanne, ils contestent une politique d’abattage jugée inefficace et réclament des mesures alternatives pour protéger les élevages.

Une cinquantaine d’agriculteurs se sont mobilisés ce mardi 16 décembre 2025. – © Angers.Villactu.fr
Plus d’une cinquantaine d’agriculteurs se sont rassemblés, ce mardi 16 décembre au matin, devant les locaux de la Direction départementale de la protection des populations (DDPP) et de la Direction départementale des territoires (DDT), à Angers. À l’appel de la Confédération paysanne, ils dénoncent la politique sanitaire mise en œuvre par l’État face à la dermatose nodulaire contagieuse (DNC), une maladie virale touchant les bovins, non transmissible à l’homme.
La mobilisation intervient une semaine après un premier rassemblement devant la préfecture de Maine-et-Loire. En cause, la stratégie d’abattage total des troupeaux dès la détection d’un foyer, imposée par le cadre réglementaire européen. Une méthode jugée inefficace et brutale par les manifestants, alors que la maladie circule toujours sur le territoire français.
« On a tous ces images en tête. Ce sont des scènes de guerre, littéralement, témoigne Tiphaine Joly, porte-parole de la Confédération paysanne, évoquant les opérations d’abattage menées dans plusieurs élevages français. Des cheptels décimés, des animaux fusillés dans les champs, des fermes vidées du jour au lendemain. On est profondément bouleversés et en colère ».
Une maladie toujours présente malgré six mois de mesures
La dermatose nodulaire contagieuse (DNC) a été identifiée pour la première fois sur le territoire métropolitain le 29 juin 2025, en Savoie. Selon le ministère de l’Agriculture, cette maladie virale touche exclusivement les bovins et la transmission est assurée par des insectes piqueurs. La DNC se manifeste chez les animaux par de la fièvre, l’apparition de nodules et de lésions nécrotiques sur la peau, une perte d’appétit, une baisse de la production laitière et peut entraîner la mort dans environ 10 % des cas. La maladie ne présente en revanche aucun risque pour l’être humain, ni par contact direct, ni par la consommation de viande ou de produits laitiers.
Malgré les mesures mises en œuvre par le gouvernement au cours de ces six derniers mois, la dermatose nodulaire contagieuse ne serait, selon le syndicat, toujours pas en passe d’être éradiquée. « La maladie est toujours là, elle prend de l’ampleur et elle n’est absolument pas sous contrôle. Cela prouve que la politique sanitaire actuelle ne fonctionne pas », poursuit Tiphaine Joly.
Les agriculteurs dénoncent également un manque de transparence : « Aujourd’hui, on n’a aucune donnée claire sur les analyses réalisées, sur ce qui se passe réellement dans les zones de surveillance. Tout ce que l’on sait, c’est que lorsqu’un troupeau est atteint, il est abattu. Point final », déplore Benoît Senechal, éleveur dans le nord du Maine-et-Loire.

La DNC circule sur le territoire français depuis près de six mois. – © Angers.Villactu.fr
« On demande simplement à être protégés »
Parmi les principales revendications figure l’élargissement de la vaccination, intégralement prise en charge par l’État. « On demande simplement à être protégés. Aujourd’hui, on n’a pas le droit de vacciner, on a seulement le droit d’abattre », résume Tiphaine Joly.
Les manifestants réclament également le déclassement de la DNC au niveau européen. Actuellement classée en catégorie A, ce qui impose l’abattage systématique des troupeaux, la maladie pourrait, selon eux, être reclassée en catégorie B. « Cela permettrait d’euthanasier uniquement les animaux malades, de mettre les fermes en quarantaine et de mener de vraies analyses pour comprendre la propagation », explique Benoît Senechal.
La Confédération paysanne s’appuie notamment sur un précédent : « En 1992, sur l’île de La Réunion, la DNC a été contenue grâce à la vaccination généralisée du cheptel, à l’abattage ciblé et à la mise en quarantaine des fermes. Ce protocole a fonctionné », affirme Tiphaine Joly.

Les agriculteurs appellent à la fin de l’abattage total des troupeaux. – © Angers.Villactu.fr
Des enjeux économiques et commerciaux
Au-delà de la gestion sanitaire, les agriculteurs pointent des choix dictés par des considérations économiques. Selon eux, l’abattage massif viserait avant tout à préserver le statut sanitaire de la France afin de maintenir les exportations d’animaux vivants. « On abat des troupeaux pour garder notre fonctionnement commercial à l’international. Est-ce qu’on peut vraiment demander à des éleveurs de sacrifier leur outil de travail pour ça ? C’est une aberration », s’indigne Alain Guiffes, éleveur à Lys-Haut-Layon et porte-parole de la Confédération paysanne.
Le syndicat évoque également la faiblesse des indemnisations proposées : « On parle de quelques milliers d’euros pour des troupeaux qui représentent des années de travail. Du jour au lendemain, vous vous retrouvez sans animaux et avec toute une ferme à reconstruire », poursuit l’éleveur, proche de la retraite.
Les prises de parole ont aussi élargi le débat aux enjeux climatiques et commerciaux. Les manifestants estiment que la progression de la maladie est favorisée par le changement climatique et la circulation accrue par les échanges internationaux. « Les directives sur la DNC sont liées avant tout aux échanges commerciaux », affirme Alain Guiffes, qui demande que l’agriculture et l’alimentation soient exclues des accords de libre-échange, notamment ceux du Mercosur.
« On est en train de devenir une variable d’ajustement pour le commerce agroalimentaire, au détriment des paysans », conclut Tiphaine Joly, appelant à la poursuite et à l’amplification des mobilisations dans les semaines à venir.

Les revendications portent sur des enjeux sanitaires, mais également climatiques et économiques. – © Angers.Villactu.fr
Par Eline Vion.
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