À Angers, le projet « Pipinière » vise à transformer l’urine des habitants en fertilisant agricole. Avec des toilettes spéciales installées pour recueillir ce déchet aux vertus nutritives, le porteur de projet LABEL VERTe espère offrir une alternative locale et durable aux engrais chimiques pour les agriculteurs de la région.
C’est un projet pas comme les autres qui a vu le jour à Angers. Initiée par l’entreprise angevine LABEL VERTe, spécialisée dans le compostage et les toilettes sèches, l’expérimentation baptisée « Pipinière » vise à transformer l’urine des habitants en une ressource pour les exploitations agricoles.
Ce projet, soutenu par la région Pays-de-la-Loire avec une subvention de 70 000 euros, pourrait bien offrir une alternative locale et écologique aux fertilisants chimiques.
Une expérimentation déjà mise en place
Pour répondre aux besoins en nutriments des cultures, l’objectif de LABEL VERTe est de collecter l’urine des angevins, avant de la redistribuer vers des agriculteurs de la région. Si le projet se concrétise, cette filière pourrait couvrir divers types de culture, des céréales aux plantes horticoles.
« L’urine humaine, souvent perçue comme un déchet, recèle de nutriments essentiels pour la fertilisation des sols, comme l’azote, le phosphore et le potassium, explique Nicolas Audigane, chargé de développement chez LABEL VERTe. Chaque adulte produit en moyenne 1,5 litre d’urine par jour. En un an, l’urine d’une seule personne pourrait fertiliser environ 500 m² de blé ».
À ce jour, LABEL VERTe a déjà installé des toilettes spécialisées dans ses propres locaux à Angers, dans le cadre d’un premier test grandeur nature. Ces installations, qui permettent de séparer l’urine des matières fécales, sont dotées de réservoirs d’une capacité de 1 000 litres où sont stockés plusieurs centaines de litres d’urine. Ce dispositif assure la collecte de l’urine de 20 à 30 salariés volontaires, avec un urinoir sec masculin sans chasse d’eau et deux toilettes à séparation pour garantir une collecte efficace, dont un côté femme et l’autre côté homme.
Une fois stockée dans ces cuves, l’urine est transférée vers des exploitations agricoles partenaires situées aux alentours d’Angers, notamment aux Ponts-de-Cé et à Loire-Authion.
La conception du système se veut à la fois intuitive et accessible : « Les toilettes installées pour la collecte de l’urine fonctionnent de manière similaire aux toilettes dites traditionnelles. Elles sont équipées d’un double mécanisme de chasse d’eau, une petite chasse pour les besoins en liquide et une grande pour les matières solides. Ce type d’installation ne nécessite aucune intervention particulière de l’utilisateur, qui n’a pas besoin d’adapter ses habitudes pour contribuer à la collecte », poursuit le chargé de développement.
Un avantage écologique
La collecte d’urine à grande échelle pose cependant quelques défis techniques et logistiques. Pour éviter d’annuler les bénéfices écologiques dans le transport, LABEL VERTe envisage un circuit court, avec une collecte, un stockage et un épandage limités à un rayon de 100 kilomètres autour d’Angers.
« On peut imaginer des cuves de dix mètres cubes pour des installations plus vastes, mais le transport doit rester court pour garantir l’avantage écologique », précise Nicolas Audigane.
Les règles sanitaires sont également strictes. L’urine stockée pour l’horticulture doit, par exemple, attendre un mois minimum avant son usage, tandis que pour le maraîchage, elle doit être conservée pendant six mois à 20° et épandue au plus tard un mois avant la récolte des légumes ou fruits destinés à être potentiellement consommés crus. Ces précautions visent à assurer la sécurité alimentaire des produits récoltés.
Convaincre les entreprises et collectivités
Pour étendre son dispositif au-delà de ses locaux, LABEL VERTe souhaite convaincre des entreprises et des collectivités de s’équiper de ces toilettes spécifiques, d’un coût moyen de 2 500 euros pour les toilettes matérielles et 1 300 euros pour l’urinoir, pose incluse, afin de multiplier les points de collecte d’urine dans le département.
Les entreprises partenaires pourraient bénéficier d’un système de collecte régulière, les urines étant ensuite acheminées vers des agriculteurs proches d’Angers, voire jusqu’à des villes comme Cholet ou Laval, où des exploitants sont déjà intéressés par ce fertilisant alternatif.
« L’utilisation de l’urine humaine comme fertilisant c’est une démarche d’économie circulaire qui peut facilement parler aux particuliers comme aux entreprises. On valorise les ressources locales tout en réduisant la dépendance aux intrants chimiques importés, produits à partir de gaz non-renouvelable et très polluants pour la planète. C’est entièrement bénéfique », ajoute Nicolas Audigane.
Cette expérimentation pourrait donc, à terme, devenir un modèle pour d’autres régions et contribuer à une agriculture plus durable et plus respectueuse de l’environnement.
Par Eline Vion.
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