Jean de Bary : « Il y a de nombreuses alternatives à l’emprisonnement »
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Jean de Bary : « Il y a de nombreuses alternatives à l’emprisonnement »

La population carcérale ne cesse d’augmenter en France, avec un taux d’occupation qui a atteint 165,4 % le 1er octobre dernier. Une situation qui touche particulièrement la prison d’Angers, également très vétuste. Entretien avec Jean de Bary, avocat pénaliste à Angers.

Jean de Bary est avocat pénaliste à Angers – © Angers.Villactu.fr

Quel est votre parcours ?

Jean de Bary : « Je suis avocat pénaliste depuis novembre 2014 à Angers. Après avoir été collaborateur dans un cabinet angevin, je suis devenu indépendant en 2020. Je suis également membre du Conseil de l’ordre du Barreau d’Angers. »

Vous dénoncez depuis plusieurs années la surpopulation carcérale en France, notamment à Angers…

Dans ma carrière, j’ai rapidement été en lien avec des détenus. J’ai tout de suite vu les conditions dans lesquelles les détenus angevins étaient incarcérés. Lorsqu’on voit les conditions totalement indignes, compte tenu de l’insalubrité et de la vétusté de la prison d’Angers, on est forcément affecté. Si nous voulons que la prison ait un sens, il faut qu’elle soit adaptée et permette aux détenus de changer et de pouvoir se réinsérer.

Combien il y a de détenus au sein de la prison d’Angers ?

Au mois d’octobre, il y avait 506 détenus pour 228 places et 58 cellules comptaient trois détenus. Il y a peu de temps, pour la première fois, une cellule a accueilli quatre détenus. Il y a deux mois, j’ai constaté qu’ils ont dû tripler, également pour la première fois, une cellule du quartier arrivant. C’était particulièrement affectant pour les détenus, mais aussi pour les surveillants.

La prison est aussi particulièrement vétuste.

Les fenêtres sont positionnées à plus de deux mètres du sol, il n’y a pas de visibilité vers l’extérieur. Il n’y a pas d’aération permettant de faire circuler l’air, à part en ouvrant la fenêtre. Des carreaux sont régulièrement cassés et sont réparés avec des plaques de plexiglass, ce qui ne permet pas d’avoir une bonne isolation. Il n’y a pas de douche en cellule et les toilettes sont simplement séparées par une demi-cloison. Dans les cellules, il y a une très forte humidité, avec des sols qui sont parfois uniquement en béton et des murs très dégradés.

Quelles sont les conséquences concrètes de la surpopulation carcérale ?

La surpopulation entraîne des problématiques diverses comme des difficultés pour l’accès aux soins ou à un travail. De nombreux détenus dorment au sol sur des matelas en mousse.

Il n’y a pas de rangement suffisant pour plusieurs personnes dans une cellule. Les détenus sont enfermés plus de 20 heures par jour. Lorsqu’ils sont plusieurs, cela crée des tensions et des incidents. L’accès aux douches est possible seulement trois fois par semaine, sauf pour ceux qui travaillent qui peuvent y aller chaque jour travaillé. Certains détenus ont l’impression d’être traités comme des animaux. Cette situation a un impact sur leur moral, leur vie personnelle et familiale.

Normalement, on ne mélange pas dans une même cellule les personnes qui sont en détention provisoire avec des personnes définitivement condamnées. Compte tenu de la surpopulation, ce n’est plus respecté.

Cette problématique de surpopulation carcérale ne touche pas que la prison d’Angers. Faut-il repenser les sanctions et proposer, parfois, des alternatives à la prison ?

La question est de savoir ce que l’on attend des sanctions. Est-ce que nous voulons que la prison écarte les gens de la société pendant un temps ou est-ce qu’on attend que la prison participe à la réinsertion des personnes afin de réduire le taux de criminalité ? Est-ce que nous voulons un bénéfice à court ou à long terme ? C’est un questionnement qui est philosophique.

Il y a de nombreuses alternatives à l’emprisonnement. Des peines peuvent être mixtes avec des sursis probatoires, il y a aussi les bracelets électroniques, des peines de placements extérieurs et du travail d’intérêt général. Il y a des faits moins graves que d’autres qui mériteraient davantage un stage ou du travail d’intérêt général plutôt qu’une incarcération.

Peut-être est-ce le seul recours possible quand les faits sont extrêmement graves et que la personne est multirécidiviste. Mais très souvent, nous voyons des comparutions immédiates de personnes qui n’ont pas de casier. Lorsqu’il n’y a pas un profil dangereux, avec un risque de réitération immédiate des faits, faut-il forcément passer par la « case prison » ? Je n’en vois pas l’intérêt, car actuellement la prison ne permet pas de travailler sur soi.

Cela fait des années qu’on entend que les juges sont laxistes. Pour autant, je constate que les peines augmentent. Pour des faits similaires, elles sont plus importantes depuis deux à trois ans.

Quels sont, selon vous, les freins à l’essor des alternatives à l’emprisonnement ?

Il y a une volonté d’être dans la punition et la répression aujourd’hui. Cela peut s’expliquer par une forme de pression sociétale qui s’exerce sur les juges. Les statistiques montrent que les peines sont plus lourdes. Il est aussi plus difficile d’avoir des réductions de peine. Par conséquent, cela entraîne de la surpopulation carcérale.

L’opinion publique est nourrie aux faits divers. Ce ne sont pas des citoyens qui vivent la justice. Combien de ceux qui trouvent que les peines actuelles ne sont pas assez sévères sont allés voir un procès dans leur vie ? Il y a de plus en plus de scolaires qui viennent voir un procès, mais cela reste minoritaire.

Les médias ne parlent que des faits les plus graves, mais ce n’est pas le quotidien de la justice.

Existe-t-il des dispositifs intéressants mis en place à l’étranger dont la France pourrait s’inspirer ?

Il y a des exemples en Europe qui montrent qu’en mettant plus de moyens, en ayant des prisons plus humaines et en punissant différemment, on peut baisser le taux de récidive. Les bracelets électroniques et le travail d’intérêt général sont davantage utilisés dans certains pays, notamment nordiques.

Propos recueillis par Sylvain Réault.

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