Hausse du nombre de sans-abri : Angers n’échappe pas à la tendance nationale
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Hausse du nombre de sans-abri : Angers n’échappe pas à la tendance nationale

À Angers, comme partout en France, le nombre de personnes sans domicile fixe est en augmentation. Les acteurs de terrain tentent de répondre aux besoins malgré une saturation des dispositifs d’accompagnement.

Le nombre de sans-abri a augmenté à Angers ces dernières années – © Angers.Villactu.fr

Combien de personnes à Angers n’ont pas de logement et vivent dans les parkings, en bord de Maine, dans leur voiture, ou tout simplement sur un trottoir ? Difficile de répondre à cette question tant les chiffres officiels se font rares. La dernière étude officielle menée par l’Insee (Institut national de la statistique et des études économiques), datant de 2012, comptabilisait environ 133 000 personnes sans domicile en France. Il faudra patienter fin 2026 pour connaître les résultats d’une nouvelle enquête menée en ce moment même. Toutefois, dans son 30e rapport, la Fondation pour le Logement des défavorisés (anciennement Fondation Abbé-Pierre) estimait qu’il y avait au moins 350 000 personnes sans domicile en France.

En 2024, selon le collectif « Les Morts de la rue », 855 personnes sans domicile fixe sont décédées dans l’Hexagone. Un nombre en hausse par rapport à 2023, où 735 personnes étaient décédées dans la rue.

Sur le terrain, les acteurs doivent composer au quotidien entre une demande grandissante et des moyens limités. À Angers, le Point accueil santé solidarité (Pass), géré par le CCAS de la ville d’Angers, accueille du lundi au vendredi des personnes en situation de grande précarité.

« Au Pass, le maître mot est l’accueil inconditionnel », indique Christelle Lardeux-Coiffard, adjointe aux Solidarités actives et aux Droits des femmes. Dans ce lieu situé à l’angle des rues Edouard Langlade et Joseph Cussonneau, près du centre commercial Espace Anjou, les personnes sans domicile fixe peuvent prendre le temps de souffler, tout en bénéficiant d’un accompagnement médico-social.

Les personnes accueillies au Pass ont la possibilité de se laver, rencontrer un interne en médecine, une psychologue, une assistante sociale, une infirmière, laver du linge, accéder à un ordinateur, mais également participer à des activités.

Le Pass accueille en journée les personnes en situation de grande précarité – © Angers.Villactu.fr

« L’équipe n’allait pas tenir »

« Entre 2023 et 2024, nous avons enregistré une hausse du nombre de personnes accueillies de 32 % le matin et de 90 % l’après-midi, avance Gilles-Mathias Sallé, responsable du Pass. Nous avons été dans l’obligation de réduire la voilure, car l’équipe n’allait pas tenir ». Au fil de ces derniers mois, les tensions se sont multipliées face à un afflux de personnes de plus en plus important. Au mois de février dernier, une agression envers le personnel a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase, poussant le Pass à fermer ses portes durant trois jours et à repenser ses temps d’accueil.

Davantage de troubles psychiatriques

Comme d’autres acteurs œuvrant au quotidien auprès des plus démunis, l’équipe du Pass reçoit un nombre toujours plus important de jeunes sortant tout juste de l’Aide sociale à l’enfance (ASE), sans aucune solution pour leur avenir. Les migrants, fuyant les guerres, la pauvreté, mais aussi le changement climatique se font de plus en plus nombreux, tout comme les femmes. « La part des femmes est passé de 7 % au début de notre mandat à 20 % en 2024 », précise l’adjointe aux Solidarités actives et aux Droits des femmes.

La prise en charge est parfois complexifiée par des troubles psychiatriques importants. « La santé mentale est un vrai sujet sur le territoire. Nous avons un manque de places, notamment lorsqu’il est nécessaire pour une personne d’être hospitalisée. Aujourd’hui, de nombreuses personnes n’ont plus aucun suivi médical et n’ont donc pas de traitement adapté à leur pathologie, se tournant vers des stupéfiants ou de l’alcool », note Christelle Lardeux-Coiffard.

Des places d’hébergement insuffisantes

À proximité du Pass, la halte de nuit dispose de 61 places réservées aux sans-abris. Ce lieu, géré par l’association l’Abri de la Providence, affiche tous les soirs complets.

Afin de proposer davantage de places d’hébergement d’urgence, la première adjointe à la Ville d’Angers, Christelle Lardeux-Coiffard, avance une proposition : « Aujourd’hui, la ville d’Angers est la seule qui assure la question de l’hébergement des personnes à la rue. Il serait souhaitable d’y réfléchir à l’échelle de l’agglomération, ce qui est le cas dans de nombreuses autres métropoles. La ville centre ne peut pas seule répondre à tous les besoins. D’un point de vue foncier, nous sommes bloqués pour imaginer d’autres projets, comme des tiny houses. »

Des appels au 115 en hausse

Dans le département, le SIAO 49 (Service intégré d’accueil et d’orientation) a pour mission l’accueil, l’évaluation, l’orientation et l’hébergement des personnes sans domicile ou en grande précarité. Ce dispositif mis en place par l’État centralise notamment les demandes d’hébergement via le numéro d’urgence sociale 115. Ce numéro est accessible de 8 h à 23 h, 7 jours sur 7. En 2024, 2 600 ménages ont appelé le 115, contre 1 800 en 2018. « Nous avons de plus en plus de personnes isolées, notamment des femmes. Il y a également des personnes avec d’importants problèmes de santé dont l’état n’est pas compatible avec une vie à la rue. Ce sont près de 800 personnes qui sont logées en continu au sein des dispositifs d’urgence dans le département », souligne Guillaume Legendre, directeur du SIAO 49.

Le Samu social doit faire face à une hausse des besoins – © Angers.Villactu.fr

Le Samu social de plus en plus sollicité

L’association l’Abri de la Providence qui gère le Samu social travaille main dans la main avec les écoutants du 115 qui peuvent leur signaler les personnes dans le besoin.

Composé de six travailleurs sociaux, le Samu social fonctionne tout au long de l’année, avec des maraudes effectuées entre 14 h et 23 h par un binôme de professionnels à Angers et dans la première couronne.

« Le but de la maraude est de déceler les besoins et d’y répondre dans la mesure du possible », précise Elise Rousseau, cheffe de service pôle veille sociale au sein de l’Abri de la Providence. Durant les maraudes, les travailleurs sociaux peuvent distribuer des boissons, de la nourriture, des couvertures et vêtements, ou encore des kits d’hygiène.

En 2021, le Samu social a réalisé 5 695 rencontres auprès de 903 personnes différentes. En 2024, ces chiffres avaient nettement augmenté avec 7 443 rencontres auprès de 1 101 personnes différentes.

« Jamais je n’aurai cru avoir besoin d’aide »

Les travailleurs sociaux sont sur le terrain tous les jours de l’année – © Angers.Villactu.fr

« Comment vas-tu ? Est-ce que tu as besoin de quelque chose ? ». Près de la gare, Valentin et Tatiana, travailleurs sociaux au Samu social reconnaissent des habitués. Ce vendredi soir du mois de mai, ils sont en maraude dans les rues d’Angers. Pour ce premier arrêt d’une longue série, ils prennent le temps d’échanger avec un groupe, de demander les besoins de chacun, et de distribuer cafés, couvertures et petites bouteilles d’eau.

« Ces dernières années, on constate qu’il y a plus de jeunes et des personnes avec des troubles psychologiques », confient les deux travailleurs sociaux qui sont en lien permanent avec le 115.

Après un tour dans l’hyper-centre, ils s’arrêtent dans un parking où certains trouvent refuge, de jour comme de nuit. Près du campus universitaire Saint-Serge, ils croisent Pierre*. Suite à des problèmes familiaux, l’homme d’une quarantaine d’années s’est retrouvé à la rue il y a un an. « Je dors avec un duvet en bord de Maine, raconte-t-il. Je vais au RestoBus et je fais appel au 115 pour avoir de quoi manger. Grâce à une assistante sociale, j’ai fait une demande pour un logement social, mais l’attente peut être très longue ».

À côté, Yassin* attend patiemment l’arrivée du RestoBus. Après sept années à la rue, il n’a plus besoin d’appeler le 115 chaque soir pour espérer avoir un endroit où dormir la nuit. « Jamais je n’aurai cru avoir besoin d’aide, soupire celui qui a connu une période difficile après s’être séparé de sa compagne. Malgré le fait d’être à la rue, j’ai pu reprendre une formation et retrouver un travail ».

Pour certains, les travailleurs sociaux du Samu social sont avant tout une oreille attentive sur laquelle ils peuvent compter. Marie* souffre de troubles psychiatriques. Les nombreux échanges avec le Samu social l’ont aidé à reprendre ses traitements. « Ils m’ont beaucoup soutenu. J’ai pu reprendre confiance en moi. Même si je n’ai toujours pas de logement, je suis sur le bon chemin. Ils sont comme des parents pour moi, ils m’ont permis de faire les bons choix ».

Un peu plus tard dans la soirée, après un appel au 115, Valentin et Tatiana retrouvent Himad*. Âgé de 50 ans, l’homme est marqué par de nombreux problèmes de santé. Celui qui dormait dans les parkings a décidé de vivre à l’écart, en bord de Maine, après s’être fait voler ses affaires à plusieurs reprises.

Le quinquagénaire qui souffre d’alcoolisme espère prochainement faire une cure et retrouver un logement. Il sait que le parcours sera long et difficile, mais le temps presse. « J’ai des douleurs au quotidien. Parfois je vomis du sang le matin », lâche-t-il avant de rejoindre ses compagnons d’infortune sur les rives de la Maine pour passer une nouvelle nuit dehors.

*Prénom d’emprunt

Par Sylvain Réault.

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