Miossec : « J’ai toujours l’impression que c’est le dernier album »
Culture

Miossec : « J’ai toujours l’impression que c’est le dernier album »

Le chanteur brestois revient avec un 11e opus, « Les rescapés », un album minimaliste, sincère, vibrant et toujours sous tension. Lucide, concis et parfois très tranchant, Miossec, par ses textes, arrive à nous décrire l’intimité, le détail, l’essentiel, tout en ayant une portée complément universelle et collective. Il est question de naufrages, de bouleversements, de la fatalité et l’apprêté de l’existence, mais il est aussi question de lumière et la nécessité de continuer de se battre, de se redéfinir vite…et de garder le cap.

Miossec

Photo : Julien T.Hamon

Pour ce 11e album, vous avez confié que celui-ci était le plus personnel depuis « Boire », qu’est-ce qui vous a donné envie d’être plus intime dans votre écriture ?

C’est pas forcément le plus personnel au niveau de l’écriture, c’est plus la façon dont l’album s’est fabriqué, son architecture, les sons qu’il contient…

On sent qu’il y a plus d’espoirs, de gaieté dans cet album…

C’est une obligation… Il y aurait de quoi écrire des chansons désespérées mais la contrainte était de ne pas m’y coller. En faisant beaucoup de concerts ont voit que l’époque n’est pas à la parole de l’homme désespéré tout seul dans son coin. On deviendrait inaudible et je trouve que la période ne permet pas ça.

C’est pour donner de la joie aux gens au vu de la situation actuelle ?

Oui c’est un peu ça, fournir une musique qui avance pas une musique qui fait plonger.

Et votre colère, elle est toujours présente ?

Ah oui oui, mais on la connait mieux (rires), on connait mieux les raisons, donc déjà ça va mieux. Mais la colère ça ne veut pas dire « il n’y a pas d’amour des hommes ». C’est très compatible. C’est justement être en colère de ce que les hommes font ou deviennent.

Toujours cette lucidité, ces textes très concis, tranchants parfois…

Il s’agit de jongler avec des mots simples. C’est aussi la contrainte de la simplicité, pour qu’une phrase puisse contenir beaucoup plus que ce qu’elle promet.

Malgré les naufrages et les sauvetages, on sent ce côté nécessité de tout dire, de rechercher la vérité, de redéfinir le périmètre dans lequel on n’est. Pour vous écrire de la musique, c’est de l’ordre justement de la nécessité ?

Ah oui et c’est fabuleux qu’on me laisse faire ça, que votre fonction devienne ça et j’ai l’impression d’avoir une sorte de devoir par rapport à cette possibilité de faire de la musique, des concerts. Avec l’âge on mesure le luxe que cela peut-être. On imagine les autres vies qu’on aurait eu sans la musique…

Justement, quelle autre vie imaginez-vous sans la musique ?

Généralement lorsque j’y pense, je me vois à Madagascar. Les gens, être dans une autre communauté, être « l’étranger du village », c’est une drôle de position… C’est un peu comme chanteur ! (rires)

Pour vous, chanteur c’est être un étranger au vu de la société ?

Si on chante, on prend un micro, on s’exprime, on monte sur l’estrade, on endosse un rôle qui est quand même différent. C’est un déguisement qui ne vous quitte pas. On a un drôle de point de vu sur l’humanité car on voit le monde avec les yeux d’un chanteur, ça déforme un peu.

Vous sortez un album tous les deux ou trois ans. C’est un rythme volontaire ou ça se fait naturellement ? Comment est-ce que vous créez ?

J’ai toujours l’impression que c’est le dernier, donc ça pousse toujours à en faire un. On a toujours cette sensation de pouvoir mieux faire, on est toujours un peu naïf.

En tournée, vous écrivez ?

Non, une chanson c’est tellement instantanée, une fulgurance, si ça ne vient pas ce n’est pas bon. Ça se joue à l’envie avec toujours cette idée absurde que le prochain sera mieux, je peux pas m’en empêcher…

Vous sortez de quatre années de tournée, physiquement ce n’est pas éprouvant ?

Il faut vraiment aimer ça sinon ça peut être un enfer pour certaines personnes (rires). Chaque journée est vraiment différente. J’ai pris le goût des concerts peut-être avec l’âge. J’ai l’impression que chaque concert doit être unique aussi.

En vous écoutant j’ai l’impression que tout ce que vous faites vous l’envisagez comme si c’était la dernière fois, comme  pour y mettre toute l’énergie nécessaire. C’est peut-être pareil pour les concerts ?

Oui c’est un peu de cet ordre là. Rater un concert ça devient de l’ordre de l’inconcevable. C’est arrivé une fois lors de cette tournée et ça fait vraiment beaucoup de mal. On connaît la joie du bon concert accomplit qui chimiquement fait du bien dans le cœur. L’impression que tout ça prend sa logique… Les kilomètres les chambres d’hôtel… C’est un concert réussi qui fait que c’est possible.

Ecrire, pour vous, c’est essentiellement pour rencontrer les gens en concert ? C’est ce qui vous motive pendant la phase de production de l’album, le fait que les chansons rencontrent le public physiquement ?

Oui parce que chaque album c’est un métier quand même, on le fait un peu à la demande générale car sinon on reste à la maison ! Chaque album, je me dis que ça peut être le début de la fin. Lorsqu’on fait ce métier là depuis longtemps, le chemin devient très bizarre… (rires)

Vous êtes un artiste un peu en marge, un peu atypique, vous avez aussi pris des chemins de traverse. Est-ce qu’ils sont volontaires ou est-ce que ça c’est fait comme ça ?

J’aime bien quand c’est pas de l’ordre du réfléchi, lorsque c’est la vie qui vous emmène dans des directions. L’album « Mammifères » s’est fait comme ça, c’était le fait de rencontres… Laisser venir les choses comme elles viennent avec tout ce qu’elles comportent. C’est un luxe de pouvoir se laisser porter par les événements.

Vous avez été inspiré par un des « Poèmes bleus » de Georges Perros, comment avez-vous abordé ce morceau ?

Il y a la volonté de faire connaître Perros. C’est dans mon rôle de chanteur. Je me sens une sorte de missionnaire, faire connaître la parole de Perros.

Les lieux qu’il a côtoyés vous touchent particulièrement ?

Oui, le bout du monde ça me connaît ! (rires) Quelqu’un qui y va volontairement, j’applaudis !

L’album est produit « à l’ancienne », avec de vrais instruments. On peut dire que vous êtes un artisan de la musique, c’est comme ça que vous vous voyez ?

Non, le prochain disque peut être complètement fait à l’ordinateur mais comme je savais que comme on utilisait des synthétiseurs les gens allaient penser qu’on était parti sur un truc de production. Tout s’est fait manuellement, avec des vrais gens. Du coup en concert on peut reproduire ça aussi plus naturellement.

Vous continuez à écrire pour d’autres artistes ?

Ces temps-ci non en raison de la tournée.

C’est un exercice j’imagine vraiment très différent que d’écrire pour quelqu’un d’autre ?

Oui c’est chouette, il faut adapter à chacun. Il faut trouver tout un vocabulaire qu’on emploierait pas obligatoirement pour soi. C’est ça qui est plutôt agréable tout comme écrire au féminin.

On vient vous chercher ou c’est vous qui sollicitez ?

Non, je me suis toujours interdit de faire le VRP. Je ne fais pas de la musique pour faire du porte à porte. Lorsque ça vient des personnes, c’est un désir, donc ça vient plus naturellement…

Vous avez déjà joué au Chabada, au Grand Théâtre d’Angers… Vous avez même fait un concert privé au Boléro, c’est presque de l’amour à ce stade !

Radical Production qui s’occupe de notre tournée est angevin. Ça fait presque 25 ans que l’on travaille ensemble. Nous avons plusieurs personnes dans l’équipe qui sont de la ville d’Angers.

Que vous reste-t-il du concert au Boléro, concert privé, une centaine de personnes…

C’était la suite d’une tournée qu’on faisait dans plein de petits endroits en France. Le Boléro était le maillon de toute une chaîne pour faire de la musique au plus prêt des gens.

En tournée, vous variez grandes salles, petites salles plus confidentielles, petits festivals… J’imagine que c’est volontaire ?

Oui on a qu’une vie ! (rires) Après les attentats, je voulais voir si je tenais le coup dans des petites salles.

Qu’est-ce qu’on peut vous souhaiter ?

Merde on dit généralement !

Jeudi 14 mars à 20h30
Première partie par Lesneu

Le Chabada
56 boulevard du Doyenné
De 17 à 25 euros
Réservations sur le site du Chabada ou dans les points de vente habituels.

Par Emmanuel M.